Piazzi, Bode... : les découvreurs
Julien Totems-Fabre
D’après ‘l’Astronomie » de Janvier 2001
“Divisons la distance
entre le Soleil et Saturne en cent unités. Mercure, première planète, se trouve
placée à l’unité 4, ensuite arrive Vénus à l’unité 7, c’est-à-dire 4+3, puis
c’est le tour de la Terre à l’unité 10, soit 4+6, puis Mars à 16, 4+12.”
4 + 96 = 100 unités. Dès
lors, le mathématicien constate l’absence de planète à
4 + 24 = 28 unités.
Bien qu’elle ne fut
pas recherchée aussi ardemment que l’aurait voulu Bode en raison du caractère
empirique de la loi qu’il avait publiée, on comprendra en partie grâce à elle
l’existence d’un regroupement d’une nouvelle classe d’astres entre Mars et
Jupiter, les astéroïdes.
Néanmoins,lorsqu’un
petit groupe d’astronomes, s’intéressant à la découverte des nouvelles planètes
se forma, il accepta avec joie l’adhésion de Bode. Guidé par l’empressement de
ce dernier à découvrir la “planète manquante”, il s’intéressa plus
particulièrement à sa recherche.
Il avait comme membres
principaux Franz von Zach et Joseph Lalande, astronomes
respectivement allemand et français de renommée déjà importante dans leur
milieu. Voulant les lancer à la recherche de la planète, à laquelle il avait
déjà prévu de donner le nom d’Héra, von Zach comprit rapidement qu’ils avaient
peu de chance de la découvrir s’ils étaient seuls à la chercher. Il décida donc
d’organiser une série de réunions avec d’importants astronomes pour leur
demander leur aide. Il présenta notamment le projet à Freiherr,
possesseur d’un superbe observatoire, à Olbers, excellent calculateur
d’orbites de comètes, puis, dans la ville de Lilienthal près de Bremen, à Schoeter
et Harding, détenteurs de nombreux instruments d’observation.
La Société fut
officiellement établie le soir du 20 Septembre 1800 à Lilienthal sous la protection
du prince d’Angleterre et de Hannovre. Schroeter fut nommé président et von
Zach secrétaire perpétuel.
Sa
découverte fut d’ailleurs due plus à ses méthodes efficaces d’observation qu’à
la simple chance. Il pensa d’abord à une comète, c’est d’ailleurs ce qu’il
annonça premièrement au public. Mais il garda pour lui que, étant donnée
l’absence de nébulosité autour de l’astre, il pouvait s’agir de quelque chose
de plus intéressant.
Il
envoya dans ce sens une lettre à Oriani, son plus cher ami, et une autre à
Bode, instigateur des recherches, pour leur demander confirmation. Lorsque, le
20 Mars, ce dernier reçut la lettre, il pensa tout de suite à la planète
manquante que sa loi empirique avait prévue, et entreprit la démarche
hasardeuse de calculer son orbite et même de présenter ses résultats et son
hypothèse planétaire à l’Académie de Berlin, dès le 26 Mars. Toujours pour
confirmer les résultats, il écrit à Méchain et à von Zach, présentant carrément
la planète découverte par Piazzi, et sa distance, 2,75 ua. Ne s’arrêtant pas de
si bon chemin il alla jusqu’à annoncer la découverte et ses hypothèses dans les
journaux de Berlin et à présenter comme sienne l’hypothèse planétaire.
C’est
finalement Gauss, un jeune mathématicien ayant entendu comme les autres
la nouvelle de la découverte, qui s’attaqua au problème de l’orbite avec le
plus d’intérêt. En novembre, grâce à ses calculs impressionnants d’ingéniosité,
il communique à von Zach, puis à Piazzi son résultat : une ellipse assez
différente que celle calculée pendant l’été. Von Zach la décrit comme
“parfaite”. Le 7 décembre 1801, grâce à Gauss, on retrouve enfin Cérès.
La planète est alors acceptée comme telle par la communauté scientifique.
C’est
le découvreur d’Uranus, Herschel, qui dans un éclair de génie, reconnut
tout de suite qu’on avait découvert une nouvelle classe de corps célestes :
plus petits que les planètes, d’orbite plus inclinée sur le plan de l’écliptique
que celles des planètes. Piazzi, craignant qu’on ne diminue l’ampleur de sa
découverte, fut le premier à réagir à l’encontre de la théorie de Herschel
selon laquelle une troisième classe de corps du Système Solaire, les
Astéroïdes, vient s’ajouter aux planètes et aux comètes. Mais la flatteuse
réponse de son adversaire, lui attribuant l’entier mérite de la découverte de
cette nouvelle classe, calma un peu ses protestations.
Piazzi
et les autres n’accepteront pas la vérité avant la découverte de Vesta et
de Junon. L’opinion de Herschel se révèlera alors justifiée.
Olbers, lui, émettra une
autre hypothèse concernantla formation des astéroïdes, celle de la planète
réduite en fragments par une catastrophe. On ne pourra pas la vérifier, la
destruction d’une planète étant assez étrange à concevoir pour les
scientifiques !
En
tous les cas, nous connaissons aujourd’hui plus de dix mille de ces astéroïdes
répartis dans tout le Système Solaire, leur nombre ne cessant de croître. Et
ces découvertes sont bien sûr dues à Titius pour sa loi empirique décidément
utile, à Bode pour son enthousiasme presque intempestif, à Piazzi pour ses
méthodes d’observation avant-gardistes, à Gauss pour ses calculs ingénieux, et
à Herschel pour son intuition géniale.
Sans
ces hommes, sans leurs erreurs, plus tard corrigées, sans leur intérêt pour
l’astronomie, cette aventure des astéroïdes qui dure depuis déjà deux cents ans
n’aurait pas été possible...